Marc-Félix Civil, Professeur à l’UEH et membre du laboratoire LADIREP

Quinzaine de la francophonie

Conférence de Marc-Felix Civil sur « La thèse de doctorat en médecine et la modernisation des études médicales »

Mardi 15 mars 2022, à compter de 2h pm, au local de la Maison Dufort (sise au No. 9 de la 2ème rue du Travail)

Marc-Félix CIVIL est Pharmacien, Gynécologue-Obstétricien, Psychologue et Docteur en Philosophie. Il est enseignant-chercheur à l’Université d’Etat d’Haïti rattaché à la Faculté de Médecine, de Pharmacie et des Ecoles de Biologie Médicales et d’Optométrie où il enseigne l’histoire et philosophie de la médecine et méthodologie de la recherche. Il est membre permanent du laboratoire LADIREP et responsable de l’axe éthique/bioéthique du laboratoire Médecine Ethique et Société (LABMES). Il est aussi membre de l’Union des Médecins Haïtiens (UMHA). Ses travaux portent sur l’éthique du soin, la philosophie de la médecine et psychologie médicale.

L’objectif de cette intervention consiste, d’une part, à faire état de la situation de l’enseignement et de la pratique de la médecine en Haïti, et d’autre part, à montrer comment l’exigence de la thèse de doctorat en médecine pourra constituer une rupture épistémologique pour permettre le développement ou le progrès des études médicales dans notre pays ?

Une thèse de doctorat en médecine se définit ici comme un travail scientifique, un mémoire qui couronne les six années d’études de médecine. Elle n’est pas encore une thèse d’exercice puisque les autorités ne font pas d’elle une condition pour exercer la médecine. Si bien que la quasi-totalité des facultés de médecine dans le pays ne l’exige pas des étudiant.e.s pour avoir droit à leur diplôme. Il n’y a que la Faculté de Médecine de l’Université Notre Dame d’Haïti qui, dès sa fondation en 1995, a fait de la thèse une exigence d’accessibilité au diplôme. Par ailleurs, longtemps avant, l’Ecole de Santé qui a pris naissance le 3 mars 1808 sous le gouvernement de Pétion devenue en 1838 l’Ecole de Médecine de Port-au-Prince qui par la suite s’est transformée en Faculté de Médecine et de Pharmacie par la loi du 13 octobre 1938 n’a jamais exigé une thèse de ses étudiants et étudiantes pour qu’ils/elles aient le titre de Docteur en Médecine. Cependant, la loi de 14 aout 1951 qui a créé la résidence hospitalière qui sera appelée plus tard le troisième cycle des études médicales avait exigé des médecins résidents sans donner trop de détail la préparation et la soutenance d’une thèse pour pouvoir porter le titre de spécialistes et exercer comme tels. En revanche, cette obligation n’était pas tenue. Puisque seulement deux des résidents de l’époque l’avaient respectée à la fin de leurs études : les docteurs V. Laroche et C. Nazon. Aujourd’hui, plus de 70 ans plus tard, la question de la thèse de doctorat en médecine vaut-elle vraiment la peine ? Comment la rédaction et la soutenance des thèses de doctorat en médecine pourraient-elles contribuer à la modernisation des études médicales en Haïti et par ricochet de notre système de santé ? Ces thèses peuvent-elles être un moyen pour les médecins de faire de la philosophie médicale, c’est-à-dire un moyen pour ces médecins de pratiquer des analyses réflexives sur leurs pratiques, que ces dernières soient leurs expériences cliniques ou leurs expériences en termes d’élaboration, d’exécution et d’évaluation des politiques publiques de soins ?

Au terme de notre réflexion nous retiendrons que la thèse de doctorat en médecine étant un travail de recherche, exigera de l’étudiant qui la prépare un certain nombre de compétences dont la capacité de problématiser, de critiquer, de prendre distance, de douter, de questionner la routine même si cette dernière lui semble être la plus claire parce qu’elle lui sert le plus souvent, de formuler de nouvelles hypothèses, de les confronter avec la réalité ; et si ces hypothèses se révèlent être confirmées, d’établir de nouveaux protocoles thérapeutiques, de nouvelles façons de penser la clinique, de proposer de nouvelles approches diagnostiques, de créer de nouvelles techniques opératoires et d’adopter de nouvelle façon de prendre soin. En accouchant cette nouvelle atmosphère d’auto-évaluation, les thèses de doctorat en médecine mettront à la disposition des seniors qui les dirigent et les juniors qui les rédigent la possibilité de revenir sur un passé d’erreurs, et de trouver la vérité en un véritable repentir intellectuel.

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