Colloque : « Haïti : Covid-19 et vaccination – Regards croisés de la biomédecine et des humanités médicales »
Port-au-Prince, 10 décembre 2021
Argumentaire
À travers le monde, de l’antiquité (la peste d’Athènes qui a touché la Grèce antique entre 430 et 426 Av. J-C) à nos jours (le coronavirus apparu en Chine en novembre 2019 a connu une ampleur et une diffusion extraordinaire), les populations humaines ont fait l’expérience de plusieurs épidémies voire des pandémies dont les unes plus meurtrières que les autres (Sardon, 2020). Haïti, pour sa part, a fait aussi ses propres expériences épidémiques : en dix ans, le pays avait été frappé par deux épidémies, le choléra et le coronavirus. Fort heureusement, par rapport à la première épidémie, le pays est aujourd’hui entré dans une ère post-choléra, le dernier cas avéré datant du 4 février 2019 (La Croix, 2019). S’agissant de la Covd-19, les premiers cas confirmés ont été annoncés le 19 mars 2020 (OPS/OMS, 2020, Henrys, 2020). D’ailleurs, bien avant l’annonce officielle des cas confirmés, un vent de panique commençait déjà à souffler au sein de la population pour ensuite faire place au déni collectif.
Les ONGS travaillant dans le domaine de la santé se disputaient à propos de l’approche théorique à adopter pour aborder cette nouvelle maladie du point de vue de diagnostic et de santé publique : certaines voulaient prioriser le dépistage systématique pour détecter les cas de covid, d’autres le dépistage dirigé uniquement vers les personnes symptomatiques. Mais les conditions économiques du pays ont prouvé que les premières ont eu tort car le dépistage systématique exigerait qu’on dispose d’un nombre élevé de tests que les autorités sanitaires n’étaient pas en mesure de commander. Au cours de la première période de dépistage, Haïti ne disposait que de 1000 tests pour toute sa population. Cet état de fait a poussé les responsables à ne dépister que les personnes symptomatiques. Dans un deuxième temps, l’une des ONG qui prônaient le dépistage systématique a abandonné cette approche au profit de celle consistant à traiter toute personne symptomatique. Quelques mois plus tard, vient la période de la vaccination. Entre temps, le déni s’est installé au sein de la population, outre les intox véhiculées par les mass médias et les réseaux sociaux numériques. Engagée en urgence et sans une stratégie de communication préalablement établie pour faire face à ce déni, la campagne de vaccination n’a pas été un franc succès. Sur cinq cent Mille (500.000) doses de vaccins anti-Covid disponibles, moins de cent mille (100.000) ont été factuellement utilisées au point que des dispositions ont été prises pour envoyer les doses restantes avant leur expiration vers un pays voisin de la Caraïbe (Statistiques MSPP, 2021). Devant un écart aussi grand entre ce qu’on espérait et ce qu’on constate dans la réalité, il va de soi qu’il existe un problème majeur du point de vue de la santé publique. Cette dernière étant entendue ici dans le sens que lui a accordé Charles-Edward Winslow dès le début du siècle passé :
« la science et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et de promouvoir la santé et l’efficacité physique à travers les efforts coordonnés la communauté pour l’assainissement de l’environnement, le contrôle des infections dans la population, l’éducation de l’individu aux principes de l’hygiène personnelle, l’organisation des services médicaux et infirmier pour le diagnostic précoce et le traitement préventif des pathologies, le développement des dispositifs sociaux qui assureront à chacun un niveau de vie adéquat pour le maintien de la santé » (Winslow, 1920).
Par ailleurs, si nous nous permettons de revenir à l’écart constaté constituant à notre sens le problème majeur, nous nous demandons en quoi il peut conduire à mettre en question notre système de santé ? Pourquoi et comment le biomédical parait-il insuffisant dans le processus permettant de lutter contre la Covid-19 dans le contexte qui est le nôtre ? Comment les humanités médicales peuvent venir à la rescousse de la clinique et de la santé publique dans la lutte contre cette pandémie ? Dans pareil cas, quel peut être la spécificité haïtienne du point de vue anthropologique, sociologique, psychologique, philosophique, et éthique dans cette aide que les humanités doivent apporter ? Dans quelle mesure les pratiques de la médecine traditionnelle haïtienne influent-elles sur les perceptions, attitudes et comportements des individus ?
Cette esquisse problématisante, loin d’être exhaustive, soulève quatre grands axes de réflexion :
Axe 1- La Covid-19 au regard des sciences biomédicales
Dans cet axe, nous souhaitons des interventions mettant l’accent sur le virus comme tel à savoir son incubation, son mode de transmission et les mécanismes par lesquels il s’attaque à l’organisme humain ainsi que les désordres qu’il y crée. En outre, examiner les différents moyens de prévention secondaire (dépistage) et tertiaire (traitement et évitement des complications) en priorisant autant que faire se peut l’expérience haïtienne.
Axes 2- La Covid-19 au regard des sciences humaines et sociales dans leurs perspectives médicales
Dans le cadre de cet axe, nous espérons trouver des intervenants qui feront état via les résultats des travaux conduits sur le terrain haïtien en vue de montrer comment les sciences humaines et sociales peuvent contribuer à améliorer les stratégies de prévention primaire de la Covid-19 en se statuant sur la connaissance, la croyance, la représentation et la perception de la population en rapport avec la pandémie.
Axe 3 – La naissance nécessaire d’un partenariat entre la médecine et les humanités pour de meilleures pratiques et actions dans la lutte contre la pandémie Covid-19.
Cet axe consistera, d’une part, à faire des propositions de théories en vue d’enraciner l’enseignement des humanités médicales dans le cursus des étudiants en sciences de la santé dans le pays ; d’autre part, les intervenants de cet axe, apporteront des savoirs expérientiels relatifs à l’usage des humanités dans le champ de la santé sur le territoire haïtien et/ou ailleurs concernant la Covid-19.
Axe 4 – Les pratiques traditionnelles, les actes de comportement et les habitudes de vie de la population haïtienne face à la Covid-19
Cet axe explorera toutes les pratiques de médecine traditionnelle, les différents mis en acte de comportements et les habitudes de vie (du thé matinal aux exercices physiques en passant par les inhalations courantes) des Haïtiennes et des Haïtiens pour se prémunir de quelques résistances au coronavirus et même pour traiter l’infection à la Covid-19.
Comité scientifique
- Professeur Ronald Jean Jacques, Psychologue, LADIREP/UEH
- Professeur Lukinson Jean, Sociologue de la santé, LADIREP/UEH
- Professeur Odonel Pierre-Louis, Philosophe, LADIREP/UEH
- Professeur Marc-Félix Civil, Médecin, Ethicien médical, Philosophe du Soin et de la Médecine, UMHA/LABMES/LADIREP/UEH
- Professeur Jean Hugues Henrys, Médecin et Spécialiste de la santé publique, AMH/Université Quisqueya.
- Professeur Ernst Noel, Médecin et Spécialiste en virologie et bactériologie, UEH.
- Professeur Jeacques Boncy, Biologiste et Professeur de Biologie pratique, UEH/Laboratoire National
Comité d’organisation
- Professeur Ronald Jean Jacques, LADIREP/UEH, ronald.jean-jacques[at]ueh.edu.ht
- Professeur Lukinson Jean, LADIREP/UEH, lukinson.jean[at]ueh.edu.ht
- Professeur Odonel Pierre-Louis, LADIREP/UEH, odonel.pierre-louis[at]ueh.edu.ht
- Professeur Marc-Félix Civil, LABMES/LADIREP/UEH, marc_felix.civil[at]ueh.edu.ht
N.B : Prière de soumettre les propositions de communication sur les courriels des 4 professeurs du comité d’organisation au plus tard le 15 novembre 2021. La proposition de 250 mots maximum devra avoir un titre, un bref résumé descriptif de l’argumentaire avec les références théoriques. Notez que les communications pourront être rédigées, après présentation au colloque, sous forme d’articles scientifiques qui seront publiées par le laboratoire LADIREP.